L'exploitation
du sel dans la France protohistorique et ses marges
Table ronde du Comité des Salines de France
Paris, lundi 18 mai 1998
Yves Desfossés
Les ateliers de saunerie laténiens
de Sorrus (Autoroute A 16, Pas-de-Calais).
Situés sur le tracé de
l’autoroute A16 et au niveau de la commune de Sorrus (62), les deux sites
ont été fouillés de janvier à avril 1996. Le
premier secteur “la Pâture à Vaches” a livré du sud
au nord une petite occupation néolithique fortement érodée,
puis un premier atelier de saunier laténien. Un second atelier a
ensuite été dégagé 150 m plus au nord, sur
le secteur de “la Bruyère”.
Sur le secteur de “La Pâture à Vaches”, deux
fours à sel ont ainsi été presque totalement dégagés
en limite ouest de l’emprise. De nombreuses fosses, souvent de très
grande taille et présentant des comblements détritiques occupaient
la périphérie de ces structures. Elles abritaient une série
de puits, qui n’ont malheureusement été que très partiellement
fouillés.
Cette disposition se répète à “ la
Bruyère ”, mais de manière plus organisée. De plus,
cette occupation était parfaitement centrée sur l’emprise
autoroutière et a donc pu être fouillée dans son intégralité.
Elle a ainsi livré 6 nouveaux fours.
Le principal atelier de saunier se présentait
donc sous la forme d’un petit enclos ovalaire, dont l’aire interne était
occupée par un four et une grande
fosse allongée.
Vue d’ensemble
de la grande fosse de l’atelier de la Bruyère à Sorrus (Pas-de-Calais).
Les bois se sont conservés dans le substrat argileux.
(Photo Y. Desfossés) |
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Clayonnage
d’un puits de l’atelier de la Bruyère à Sorrus (Pas-de-Calais).
(Photo Y. Desfossés) |
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Le fossé d’enclos débouchait sur une très
grande dépression comblée de limon sableux très riche
en résidus de briquetage et en charbons de bois. La fouille de cette
structure, qui sépare l’enclos d’une série de trois autres
fours étroitement imbriqués a permis de dégager en
profondeur 6 puits. Le contexte géologique très particulier
du secteur, niveau de sable étanchéifié à sa
base par une couche d’argile, a permis la conservation exceptionnelle de
l’ensemble des boisages des puits, ainsi que de nombreux objets
en bois (auges, écuelles, pelle ...).
Le matériel céramique issu de la fouille
des deux ateliers de sauniers de Sorrus permet de rattacher leur utilisation
à La Tène C1 et C2. Cette datation a d’ailleurs été
confirmée par l’étude dendrochronologique de la centaine
d’échantillons prélevés dans les puits des deux zones.
Fourneau
avec ses éléments de grille aérienne recoupant un
plus ancien (la Pâture à Vache, Sorrus).
(Photo Y. Desfossés)
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Élément
de grille d’un fourneau pour y loger les moules à sel (la Pâture
à Vache, Sorrus).
(Photo Y. Desfossés) |
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La fouille de ces occupations améliore considérablement
notre perception des mécanismes de production de sel pour la protohistoire,
jusque là appréhendés par le biais de ramassages d’éléments
de briquetage (augets, piliers et handbricks) dans des contextes plus ou
moins bien définis, ou la découverte isolée d’un ou
deux petits fourneaux. De plus, les deux sites ne semblent pas être
en liaison directe avec une zone d’habitat. En tout état de cause
la production de sel au début du second Age du Fer et à l’embouchure
de la Canche est une activité très structurée et qui
se fait à grande échelle sur des zones artisanales bien spécifiques.
Maintenant que les techniques de production sont bien
établies, il reste a essayer de déterminer par le biais de
nouvelles recherches l’ampleur réelle de ce phénomène
et les implications économiques qu’il peut induire (statut social
des exploitants, voies de commercialisation...).
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