b l Œœœœ( sorrus.htmTEXTMOSS6ÿøï€ýk2½ýk2¾Km Les ateliers sauniers de Sorrus (Pas-de-Calais)
L'exploitation du sel dans la France protohistorique et ses marges
Table ronde du Comité des Salines de France
Paris,  lundi 18 mai 1998

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Olivier Weller :

Les ateliers sauniers de Sorrus (Pas-de-Calais) :
un apport majeur aux techniques de production de sel et à leur évolution durant le second âge du Fer.

Les études archéologiques sur l’exploitation du sel durant l'âge du Fer ont permis de définir un mobilier archéologique souvent très abondant et très fragmenté dans le cadre de processus techniques cohérents (les briquetages). Cependant les études sur le sel sont restées en marge des grands axes de la recherche laissant, dans les faits, l'archéologie du sel au niveau d'une curiosité locale.
Depuis peu, la mise en évidence d'un commerce du sel, les approches ethnohistoriques et ethnoarchéologiques ont permis de relancer les problématiques liées au sel et, d'autre part, les fouilles de sauvetage en bord de mer, en particulier celles de l'autoroute A16 (Amiens - Boulogne-sur-Mer), d'enrichir considérablement les données et les hypothèses d'autant plus qu'il existait un véritable déséquilibre documentaire entre la péninsule armoricaine ou le sud-est de l'Angleterre et les côtes nord de la France.
 

Concernant les ateliers de Sorrus, les structures les plus caractéristiques sont sans aucun doute les fourneaux à grille ou les grandes fosses d'extraction de limon argileux ou de sable mais la nouveauté réside ici surtout dans la découverte d’une caisse en bois et de plusieurs puits clayonnés utilisés vraisemblablement pour le filtrage et le stockage d'eau douce et de saumure. D'autre part, la découverte dans le comblement de ces puits de pièces d'architecture et d'outillage en bois très bien conservés a permis pour la première fois sur un atelier d'obtenir une série de datations dendrochronologiques.

Grâce à ces nouveaux éléments, les premières étapes de la chaîne opératoire, à savoir la concentration de l’eau de mer en une saumure, ont pu être reconstituées. L’hypothèse privilégiée est celle de l’utilisation du lavage de sable salé à l’intérieur d’une grande caisse en bois, sable naturellement imprégné par l’eau de mer lors des marées montantes puis récolté à l’aide des auges en bois.
L’argile recueillie au cours du creusement des puits et des fosses était utilisée pour la confection du matériel de briquetage. Pour les moules à sel, ou godets, on y ajoutait un dégraissant bien spécifique soit sableux, soit coquillé. La forte porosité observée sur les godets, à l’aspect parfois de pierre-ponce, semble être liée à l’abondance de ces dégraissants qui agissent ici plutôt comme des aérateurs permettant de maximiser les échanges thermiques entre intérieur et extérieur du récipient au cours de la cristallisation en masse du sel dans le fourneau. (restitution graphique)

A propos de ces godets, nous avons pu distinguer sur l’ensemble des ateliers du Nord de la France l’existence de deux types différents par leur forme et leur module mais aussi leur quantité. L’utilisation de ces deux types au cours d’une même cuisson ne fait aucun doute ni d’ailleurs la concomitance de leurs modes de rejet. Dans un contexte de débouché commercial et de consommation, on retrouve encore, sur l’oppidum de Villeneuve-Saint-Germain (Aisne), ces deux types de moule. Tout en s’appuyant sur les textes anciens, nous proposons d’y voir la production de deux types de pains de sel de qualité différente : l’un blanc assez pur obtenu par un lessivage des sables salés à l’eau douce, l’autre gris, âcre au goût, obtenu par un lessivage à l’eau de mer réintroduisant des sels déliquescents (chlorure de magnésium, sulfate de magnésie…). Soulignons que le lavage de sable salé nécessite une quantité très importante d’eau (douce ou non) qui devait être gérer de près. L’existence sur les ateliers de Sorrus, outre les puits, d’une forte proportion de grands récipients de stockage est sûrement à rapprocher du fonctionnement même de l’atelier.

Au moyen des dates dendrochronologiques réalisées sur les bois d’architecture des ateliers de Sorrus il est possible d'envisager l’évolution des techniques et du matériel utilisé par les sauniers gaulois :
- jusqu'à la fin du IVe ou au tout début du IIIe siècle, les sauniers utilisaient des piliers au sein de structure plus ou moins circulaire surmonté de godet à pâte rouge et très sableuse.
- à partir du IIIe siècle, on voit apparaître des fourneaux rectangulaires munis d'une grille aérienne dans laquelle était placée les godets. La taille des structures de combustion est clairement plus importante et plus standardisée. On peut vraisemblablement subdiviser cette phase en deux où, au cours de la seconde moitié du IIIe siècle, apparaît l'utilisation des hand-bricks et des bâtonnets permettant d'augmenter la production de pains de sel au cours d'une seule et même cuisson. Les godets sont à la fois cylindriques et tronconiques.

A la Tène finale, les ateliers de Sorrus ne fonctionnent plus mais l’on voit de développer de nombreux ateliers assurant seulement la cristallisation du sel sous forme de pain dur et standardisé au sein même des sites d’habitat. Ce nouveau type d’organisation des modes de production où la chaîne opératoire est segmentée géographiquement semble apparaître clairement dès le début de la Tène finale. La matière salée (sable, saumure ou sel humide ?) serait transportée et stockée sur le site d’habitat ce qui permettrait de produire du sel durant beaucoup plus de jours voir toute l’année si les réserves sont importantes. L’autre aspect qu’il convient d’envisager est celui de la gestion du combustible. En effet, si la production s’intensifie à La Tène finale ce qui paraît être le cas tout le long de la côte atlantique française, la gestion d’un combustible préférentiel (hêtre et chêne) et nécessaire en très grande quantité doit être centralisée et peut pousser les ateliers de production de pains de sel à s’intégrer aux zones d'habitat à moins que cette nouvelle implantation ne résulte aussi d'une volonté de contrôle sur la production ou d'une véritable spécialisation permanente du site.

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Figures :
‘Sorrus. Plan chrono (O.Weller)’ (fichier Adobe Illustrator 5.5)